Le début du chemin.

Lorsqu'on frappa à la porte, Panoramix sembla sortir d'une longue méditation. Assis prêt de la cheminée il était en train de lire un vieux manuscrit qu'il tenait avec soin. Un livre très ancien vraisemblablement.
Il parla d'un voix calme et sereine.

-Qui est-ce?

Une voix d'homme grave, qui trahissait une certaine gêne lui répondit

-Excusez-moi monsieur, je sais qu'il est tard mais une personne vient d'arriver en ville et désire vous parler. C'est une elfe monsieur.

Panoramix sembla chercher dans ses souvenirs. . .

-mpf. . . Faites la donc entrer.

On entendit les pas du garde qui s'éloignèrent derrière la porte et la porte extérieur claqua quelques secondes plus tard. Panoramix posa son livre volumineux sur la petit table qui était à ses côtés et se leva. Lorsqu'on frappa, il ouvrit la porte.

Se tenait devant lui une jeune elfe qui devait avoir dans les 120 ou 130 ans, le visage gracieux et pourtant malicieux. Une beauté toute jeune qui avait pourtant dans le regard une étincelle de dureté et de franchise. Panoramix en déduisit que malgré les apparences, il n'avait pas en face de lui une enfant. Une tout petite cicatrice au niveau de la jugulaire gauche le conforta dans son idée. Cette elfe était d'une innocente beauté, pure et dégageait pourtant un sentiment sauvage de combat Le reflet d'une vie déjà bien mouvementée.

Lorsqu'elle ouvrit la bouche, une voix douce, limpide et directe embellit le silence du salon de Panoramix.

-Bonsoir, je suis Iriel, membre de la tribut des Fanasaï. Ma matrone vous a normalement avertit de ma venue.

Panoramix, bien que calme extérieurement ressentait un vif trouble à la présence de cette personne.

La matrone des Fanasaï avait pris contact avec lui il y a quelques temps déjà. Elle cherchait un endroit pour envoyer une de ses futures jeunes prêtresse afin qu'elle puisse apprendre et vérifier sur le terrain ce que ses nombreuses années de formation lui avait apprises de manière théorique. Il n'en savait guère plus.

Il répondit d'une voix calme et de manière posée, comme à son habitude.

-Oui c'est exact. J'ai maintenant le souvenir de cet oiseau venant de votre forêt m'annoncer votre arrivée prochaine. . . Mais j'avoue que je ne vous attendait pas de ci-tôt.

Il jeta un regard par la fenêtre.

-Cela-dit il se fait plutôt tard, dit-il en riant pour lui-même. Puis-je vous inviter à passer la nuit chez moi. J'ai une chambre d'amis qui fera très bien l'affaire. Demain nous pourrons ainsi parler plus longuement. Votre histoire m'intéresse.

Iriel le fixa droit dans les yeux, de ses yeux gris-noisette vifs et perçants. . . Quelques secondes passèrent . La voix d'Iriel rompit à nouveau le silence avec charme et franchise.

- Je vous remercie de votre proposition. J'accepte.

-Réveil à Loryndril -

Le lendemain matin, lorsque Panoramix arriva dans le salon, le soleil n'était pas encore complètement levé. Un mince rayon de lumière filtrait pourtant à travers la fenêtre, éclairant Iriel, assis en tailleur en train de lire un petit livre. Elle était concentré et tenait un chapelet dans la main droite.
Panoramix se glissa doucement vers la cheminée, à l'autre bout de la pièce qu'il raviva. Lorsqu'il se retourna, Iriel était debout, devant lui, le fixant dans les yeux. Un sourire amicale illuminait son visage.

-Bonjour, dit-elle.

Sa voix était plus enfantine que la veille. Il y avait toujours autant d'assurance en elle mais ce matin-là, Panoramix avait l'impression de ne plus avoir la même personne devant lui. Iriel était plus lumineuse encore que la veille mais semblait beaucoup moins sombre et dure.

-Bonjour, répondit Panoramix d'une voix calme et paisible. Vous avez bien dormit?

-Oui, je vous remercie beaucoup de votre hospitalité. Ca m'a fait du bien de passer une nuit dans un vrai lit.

-Vous m'en voyez ravi. Si vous avez un peu de temps je vous propose de vous faire découvrir la ville. Nous aurons ainsi tout le temps pour discuter de choses et d'autres.

A ces mots, le regard d'Iriel décocha, bien malgré elle, un éclair noir. Pourtant elle se maîtrisa et sa voix resta amicale et courtoise. Panoramix entrevit que cette elfe là devait avoir un sacré caractère et qu'il valait mieux compter parmi ses amis.

-Je ne crois pas que ce genre de promenade me fasse du bien. Je suis habitué à vivre en forêt. Les villes comme Loryndril me -elle hésita un instant.- Je ne me sens pas à l'aise dans ce genre d'endroit, je suis désolé.

Panoramix lui sourit.
-Ne vous excusez pas mon enfant, je suis moi-même druide vous savez. Je sais ce que vous ressentez. Nous irons alors dans la forêt, nous y seront plus en paix.

Elle inclina la tête respectueusement. Ses lèvres s'entrouvrirent pour ne laisser passer qu'un mot. Un mot qu'elle lâcha avec toute la sincérité et la simplicité dont elle était capable.
-Merci.

Journal d'Iriel – Jour 1

Me voilà à nouveau dans la nature. Je suis heureuse de retrouver mon environnement naturel. Les hommes auront toujours beau dire, ils ne comprendront jamais ce que ressent un rôdeur à vivre dans une forêt.
Je suis dans la forêt au nord de Loryndril, en route pour les collines avoisinantes. Des nains renégats semblent poser problèmes aux autorités locales. La ville naine a demandé de l'aide au nouveau gouvernement qui est en train de se former à Loryndril. Ce genre de travail n'est à la base pas vraiment pour moi, mais je me suis dit que cela pourrait être une bonne expérience que d'aider ces nains à récupérer de vulgaires pioches.
Danaé comprendra certainement mon geste.

Ce matin, Panoramix m'a fait découvrir la forêt dans laquelle je bivouaque ce soir. Je crois que c'est un homme bon qui souffre de ne pas vivre en pleine forêt, isolé de tous. Mais il a fait ce choix, pour le grand bien de Loryndril et de son âme.
Il a été surpris d'apprendre que les Fanasaï était le peuple élu de Danaé, que nous étions seules à en porter la parole et que nous ne vivions qu'entre femmes. Je lui ait expliqué que nous étions un clan de rôdeuse et qu'avec l'aide de Danaé nous étions aux services des forêts et des voyageurs.
Il m'a alors posé une question judicieuse : « Que font des rôdeuses au service d'une déesse? N'est-ce pas là le travail des Prêtre? »

Voici ce que j'ai répondu :
-Les rôdeuses sont en quelques sortes les bras de Danaé, celles qui agissent tous les jours à maintenir l'équilibre des forêts. Elles sont en quelques sortes le pendant guerrier de notre tribut. Mais toutes servent Danaé. Passé un certains temps, certaines sont choisies par notre Matronne pour suivre un anciennement religieux poussé. Je sais que le terme de Matronne doit vous faire sourire, ou vous faire peur, mais c'est ainsi que nous l'appelons.
Ces élues suivent donc une formation religieuse pendant de nombreuses années. Une dizaine pour les meilleures. Les moins guerrières d'entre elles restent dans notre tribut afin de gérer les affaires du culte, de diriger les rôdeuses dans leur travail, de servir la Matronne et de maintenir le lien entre notre peuple et Danaé.
Les autres, comme moi, qui avons un sang de combattante sont envoyées aux quatre coins du vaste monde afin de poursuivre leur formation. . . seule. C'est une voix, un cheminement long et difficile que peu d'entre nous parviennent à accomplir. La réussite ou la mort. Tel est notre destin.

-Et votre choix c'est porter sur Loryndril?

-Danaé m'a désigné pour m'occuper de la région et instaurer notre culte à Deledril, la seule ville elfe de la région. La première partie de mon cheminement sera accomplit lorsque j'aurais réussit à ouvrir un temple en l'honneur de Danaé à Deledril. Je pourrais alors m'occuper des forêt alentours et des voyageurs en détresse en accomplissant ma destinée.

Le regard qu'il posa alors sur moi était remplit de compassion et de solidarité. Cet homme est un sage, c'est une certitude. J'espère un jour pouvoir avoir la même influence bénéfique sur mon entourage. Avoir toujours ce regard d'enfant qui permet de découvrir les choses l'esprit ouvert et le coeur léger.

Je vais me coucher ce soir avec l'impression que ma vie ne fait que commencer et que je vais passer les mois qui viennent à apprendre le monde.

Que Danaé m'aide à le comprendre.